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Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/32

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des morceaux de matière dépourvus de valeur, il semble qu’il ne serait pas indispensable que la monnaie possédât en elle-même une valeur réelle. Un fait de ce genre se présente : souvent en effet, dans l’histoire des monnaies, des coquillages sans valeur apparente, des bouts de cuir, des feuilles de papier sont reçus en échange de marchandises précieuses. Toutefois ce phénomène étrange trouve, la plupart du temps, une explication facile, et si nous étions bien au courant de l’histoire de toutes les monnaies, la même explication s’appliquerait sans doute à tous les cas.

Certainement, dans les sociétés primitives, l’usage de la monnaie ne reposait pas sur des règlements fixés par la loi, de sorte que l’utilité de la matière pour d’autres usages doit avoir été la condition préalable de son emploi comme monnaie. Ainsi cette singulière monnaie de wampum que les premiers explorateurs trouvèrent chez les Indiens de l’Amérique du nord, était, ainsi que nous l’avons dit plus haut, estimée comme parure. Les cauris, si communément employés en Orient, sont estimés comme objets de parure sur la côte occidentale d’Afrique, et, suivant toute probabilité, servaient d’ornements avant d’être employés en guise de monnaie. Tous les autres articles mentionnés au chap. IV, bœufs, blé, peaux, tabac, sel, noix de cacao, etc., qui ont joué le rôle de monnaie dans un pays ou dans l’autre, avaient une utilité et une valeur indépendantes. S’il y a quelques exceptions apparentes à cette règle, une connaissance plus complète du sujet nous en fournirait sans doute l’explication. Nous pouvons donc être d’accord avec Storch, quand il dit : « Il est impossible qu’une substance qui n’a aucune valeur propre soit proposée pour servir de monnaie, quelque convenable qu’elle soit à d’autres égards pour cet emploi. »

Quand une substance est employée très-communément comme monnaie, on conçoit que son utilité finit par dépendre principalement des services qu’elle rend sous cette forme à la communauté.

Par exemple on se sert bien plus souvent de l’or pour le monnayer que pour en faire de la vaisselle, des bijoux, des montres, etc.