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Page:Jevons - La monnaie et le mécanisme de l’échange.djvu/8

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L’objet qui intervient ainsi temporairement dans la vente et dans l’achat est la monnaie. Il semble tout d’abord que l’usage de la monnaie ne peut que donner une double peine, puisqu’il rend deux échanges nécessaires là où un seul suffisait ; mais une rapide analyse des difficultés inhérentes au troc simple nous montrera qu’à ce point de vue l’avantage est tout entier du côté de la monnaie. Une telle analyse peut seule nous montrer que l’argent ne nous rend pas un service unique, mais plusieurs services différents dont chacun est indispensable. La société moderne ne pourrait exister, dans sa forme actuelle si complexe, sans les moyens que nous fournit la monnaie pour évaluer, distribuer, négocier les denrées les plus diverses.

défaut de coïncidence dans le troc.

La première difficulté, dans le troc, est de trouver deux personnes dont chacune possède et peut céder les objets qui conviennent aux besoins de l’autre. Il peut y avoir beaucoup d’hommes qui éprouvent des besoins et beaucoup d’autres qui possèdent ce dont manquent les premiers ; mais pour qu’un échange soit possible, il faut qu’il se produise une double coïncidence, et c’est ce qui arrivera rarement. Un chasseur, au retour d’une chasse heureuse, a beaucoup plus de gibier qu’il ne lui en faut, et manque peut-être d’armes et de munitions pour recommencer sa chasse. Mais ceux qui ont des armes sont peut-être aussi fort bien pourvus de gibier, de telle sorte qu’un échange direct entre eux est impossible. Dans une société civilisée, le propriétaire d’une maison peut la trouver incommode et par suite jeter les yeux sur une autre maison qui ferait exactement son affaire. Mais, au cas même où le propriétaire de cette seconde maison souhaite s’en défaire, il est fort peu probable que ses désirs répondent exactement à ceux du premier propriétaire, et qu’il veuille échanger les maisons. Vendeurs et acheteurs ne peuvent arriver à s’accorder que par le moyen de quelque denrée, de quelque marchandise banale, comme disent les Français, que tous en même temps sont disposés à recevoir, de sorte qu’après l’avoir obtenue par une vente,