Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/155

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Recoy donc (SIRE) et d’un visage humain (55)
Prens ce devoir de ceux qui sous ta main
Tant les esprits que les corps entretiennent,
Et devant toy agenouiller se viennent,
En attendant que mieux nous te chantions,
Et qu’à tes yeux sainctement presentions (60)
Ce que ja chante à toy, le fils des Dieux,
La terre toute, et la mer, et les Cieux.

Acte I

L’OMBRE D’ANTOINE
Dans le val tenebreux, où les nuicts eternelles
Font eternelle peine aux ombres criminelles,
Cedant à mon destin je suis volé n’aguere,
Ja ja fait compagnon de la troupe legere,
Moy (dy-je) Marc Antoine horreur de la grand’ Romme, (5)
Mais en ma triste fin cent fois miserable homme.
Car un ardent amour, bourreau de mes mouëlles,
Me devorant sans fin sous ses flames cruelles,
Avoit esté commis par quelque destinee
Des Dieux jaloux de moy, à fin que terminee (10)
Fust en peine et malheur ma pitoyable vie,
D’heur, de joye et de biens paravant assouvie.
O moy des lors chetif, que mon œil trop folastre
S’égara dans les yeux de ceste Cleopatre !
Depuis ce seul moment je senti bien ma playe, (15)
Descendre par l’œil traistre en l’ame encore gaye,
Ne songeant point alors quelle poison extreme
J’avois ce jour receu au plus creux de moymesme :
Mais helas ! en mon dam, las ! en mon dam et perte
Ceste playe cachee