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Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/156

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en fin fut découverte, (20)

Me rendant odieux, foulant ma renommee
D’avoir enragément ma Cleopatre aimee :
Et forcené aprés comme si cent furies
Exerçans dedans moy toutes bourrelleries,
Embrouillans mon cerveau, empestrant mes entrailles, (25)
M’eussent fait le gibier des mordantes tenailles :
Dedans moy condamné, faisans sans fin renaistre
Mes tourmens journaliers, ainsi qu’on vois repaistre
Sur le Caucase froid la poitrine empietee,
Et sans fin renaissante, à son vieil Promethee. (30)
Car combien qu’elle fust Royne et race royale,
Comme tout aveuglé sous cette ardeur fatale,
Je luy fis les presens qui chacun estonnerent,
Et qui ja contre moy ma Romme eguillonnerent :
Mesme le fier Cesar, ne taschant qu’à deffaire (35)
Celuy qui à Cesar compagnon ne peult plaire,
S’embrassant pour un crime indigne d’un Antoine,
Qui tramoit le malheur encouru pour ma Roine,
Et qui encor au val des durables tenebres
Me va renouvellant mille plaintes funebres, (40)
Eschauffant les serpens des sœurs echevelees,
Qui ont au plus chetif mes peines egalees :
C’est que ja ja charmé, enseveli des flames,
Ma femme Octavienne, honneur des autres Dames,
Et mes mollets enfans je vins chasser arriere, (45)
Nourrissant en mon sein ma serpente meurdriere,
Qui m’entortillonnant, trompant l’ame ravie,
Versa dans ma poitrine un venin de ma vie,
Me transformant ainsi sous ses poisons infuses,
Qu’on seroit du regard de cent mille Meduses. (50)
Or pour punir ce crime horriblement infame
D’avoir banni les miens, et rejetté ma femme,
Les Dieux ont à mon chef la vengeance avancee,
Et dessus moy l’horreur de leurs bras élancee,
Dans la saincte equité, bien qu’elle soit tardive,(55)
Ayant les pieds de laine, elle n’est point oisive,
Ainsi dessus les humains d’heure en heure regarde,