Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/184

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n malheur
Nous rassemble,
Tel ennuy
A celuy
Pas ne semble,

Qui exempt
Ne la sent ;
Mais la plainte
Mieux bondit,
Quand on dit
Que c’est feinte.

CLEOPATRE.
Si la douleur en ce cœur prisonniere
Ne surmontoit ceste plainte derniere,
Tu n’aurois pas ta pauvre esclave ainsi :
Mais je ne peux égaler au souci,
Qui petillant m’écorche le dedans,
Mes pleurs, mes plaints et mes soupirs ardens.
T’esbahis tu, si ce mot separer
A fait mes forces se retirer ?
Separer (Dieux !), separer je l’ay veu,
Et si je n’ay point à ces debats pourveu
Mieux il te fust (ô captive ravie)
Te separer mesme durant sa vie !
J’eusse la guerre et sa mort empeschee
Et à mon heur quelque atteinte laschee,
Veu que j’eusse eu le moyen et l’espace
D’esperer voir secrettement sa face :
Mais, mais cent fois, cent, cent fois malheureuse,
J’ay ja souffert ceste guerre odieuse :
J’ay, j’ay perdu par ceste estrange guerre,
J’ay perdu tout, et mes biens et ma terre :
Et si ay veu ma vie et mon support,
Mon heur, mon tout, se donner à la mort,
Que tout sanglant, ja tout froid et tout blesme,
Je rechauffois des larmes de moymesme,
Me separant des moyme