Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/185

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sme à demi
Voyant par mort separer mon ami.
Ha, Dieux ! grands Dieux ! Ha, grands Dieux !

OCTAVIEN.
Qu’est-ce ci ?
Quoy ? la constance estre hors de souci ?

CLEOPATRE.
Constante suis ; separer je me sens,
Mais séparer on ne me peult long temps :
La palle mort m’en fera la raison,
Bien tost Pluton m’ouvrira sa maison,
Où mesme encor l’éguillon, qui me touche,
Feroit rejoindre et ma bouche et sa bouche.
S’on me tuoit, le dueil qui creveroit
Parmi le coup plus de bien me feroit,
Que je n’auroit de mal à voir sortir
Mon sang pourpré et mon ame partir.
Mais vous m’ostez l’occasion de mort,
Et pour mourir me deffaut mon effort,
Qui s’allentit d’heure en heure dans moy,
Tant qu’il faudra vivre maugré l’esmoy ;
Vivre il me faut, ne crains que je me tue :
Pour me tuer trop peu je m’esvertue.
Mais puis qu’il faut que j’allonge ma vie,
Et que de vivre en moy revient l’envie,
Au moins, Cesar, voy la pauvre foiblette,
Qui à tes pieds et de rechef se jette ;
Au moins, Cesar, des gouttes de mes yeux
Amolli toy, pour me pardonner mieux :
De ceste humeur la pierre on cave bien,
Et sus ton cœur ne pourront elles rien ?
Ne t’ont donc peu les lettre esmouvoir
Qu’à tes deux yeux j’avois tantost fait voir,
Lettres je dy de ton pere receues,
Certain tesmoin de nos amours conceuës ?
N’ay-je donc peu destourner to