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Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/207

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De Cleopatre, et la reconforter,
Quand j’ay trouvé ces gardes qui frappoyent
Contre sa chambre, et sa porte rompoyent,
Et qu’en entrant en ceste chambre close,
J’ay veu (ô rare et miserable chose)
Ma Cleopatre en son royal habit
Et sa couronne, au long d’un riche lict
Peint et doré, blesme et morte couchee,
Sans qu’elle fust d’aucun glaive touchee,
Avecq’Eras, sa femme, à ses pieds morte,
Et Charmium vive, qu’en telle sorte
J’ay lors blamee ; A, a, Charmium, est-ce
Noblement faict ? Ouy, ouy, c’est de noblesse
De tant de Rois Egyptiens venue
Un tesmoignage. Et lors peu soustenue
En chancelant, et s’accrochant en vain,
Tombe à l’envers, restant un tronc humain,
Voila des trois la fin espouventable,
Voila des trois le destin lamentable :
L’amour ne peut separer les deux corps,
Qu’il avoit joints par longs et longs accords ;
Le Ciel ne veut permettre toute chose,
Que bien souvent le courageux propose.
Cesar verrra, perdant ce qu’il attent,
Que neul ne peut au monde estre contant :
L’Égypte aura renfort de sa destresse,
Perdant, après son bon heur, sa maistresse :
Mesmement moy qui suis son ennemi,
En y pensant, je me pasme à demi,
Ma voix s’infirme, et mon penser defaut :
O ! qu’incertain est l’ordre de là haut !

LE CHŒUR.
Peut on encores entendre
De toy, troupe, quelque voix ?
Peux tu ceste seule fois