Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1870.djvu/330

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Nourriſt en nous la haine & noiſe,
Par ce monſtre Enuie, touſiours
Maniant noſtre humeur Françoiſe,
Nous piquant plus contre la loy
De tous ces liens qu’on ſepare,
Que contre le Iuiſ, le Barbare,
L’Incogneu, l’ennemi du Roy.
Ce vice à nous particulier,
Comme aux autres païs vn vice
Eſt touſiours propre &f amilier,
Nous fait (voulant faire ſeruice
Au Roy) luy nuire : car ialoux
Et piquez à qui eſtre, & faire
Pourra le plus, par vn contraire
Diſcord, nous perdans luy & nous.
Outre encor, ie voy (car ie veux
Preſque toutes les cauſes rendre,
Qui me font conceuoir ces vœus
Sur ce Cerf que tu viens de prendre)
Que mainte perſuaſion
Qu’en tout on croit & ſaincte & bonne,
Soit par zele ou ruſe, ſe donne
Pour l’vne & l’autre faction.
Qui (peut-eſtre) trouuant deſia
En nous la rencontre opportune,
Qui eſt l’ambition qu’on a,
Compagne de ceſte rancune :
Nous eguiſant, nous defermant
L’eſprit & l’œil, au ſouſtien d’elle
Et toutes choſes, fors icelle,
Va nos ſens & nos yeux charmant.
C’eſt ce qui fait que nous trouuons
Du tout bon ce qui eſt des noſtres,
Que nous hayons & dédaignons,
Fut-il bon, ce qui eſt des autres :
Puis les vns ſe voulant hauſſer,
Peut-eſtre, ſur les proches Princes,
Et tant du Roy que des prouinces