raconté déjà tant de choses curieuses. Vous ne vous étonnerez donc pas si je vous dis que mes enfants et ma femme même demandèrent à être de la partie. Bien des raisons d’ailleurs rendaient cette excursion nécessaire. Une de nos poules était à couver : nous voulions lui donner des œufs de la poule à fraise ou poule de bruyère ; notre provision de bougies s’épuisait : il nous fallait récolter des baies à cire ; nous étions si heureux, chaque soir, de pouvoir, ma femme, faire ses raccommodages, moi, écrire mon journal à la lumière de nos bougies, que, maintenant, nous n’aurions pu qu’avec peine renoncer à cet agrément ; notre truie s’était sauvée de nouveau du côté des chênes : il fallait se mettre à sa poursuite ; Jack voulait manger des goyaves, et François sucer des cannes à sucre, etc., etc.
Le lendemain donc, par une belle matinée, nous quittâmes Falkenhorst ; et, comme je désirais, cette fois, examiner une partie de l’île à mon loisir et faire d’abondantes provisions, j’eus soin de nous munir de tout ce que je jugeais le plus nécessaire à notre caravane : eau, vin, instruments propres à grimper aux arbres, vases pour contenir nos récoltes, armes et munitions de guerre. J’attelai l’âne et la vache à mon char, dans lequel j’avais fait une banquette pour asseoir le petit François et sa mère lorsqu’ils se sentiraient fatigués. Nous revîmes d’abord le champ de pommes de terre et de manioc, puis nous arrivâmes à l’arbre des oiseaux républicains, que je reconnus, cette fois, pour être de l’espèce de ceux que les naturalistes nomment loxia socia ou loxia gregaria. Dans cet endroit croissaient des goyaviers et des arbres à cire : nous remplîmes un grand sac de leurs baies et de leurs fruits. Fritz tenait à savoir quels étaient les vrais habitants du nid commun ; après un examen long et attentif, il déclara que c’étaient des oiseaux au plumage sombre, et non des moineaux-perroquets. Plus loin, les arbres à caoutchouc nous fournirent leur jus précieux, que nous recueillîmes dans plusieurs vases de coco. Après avoir