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le robinson suisse.

ment que nous n’avions à redouter ni grands froids ni gelées.

Ce qui nous affligea le plus fut de voir s’épuiser les provisions de feuilles et de foin amassées pour nos animaux ; nous fûmes forcés de partager avec eux nos pommes de terre et nos glands doux ; en échange, ils nous fournissaient un très-bon lait en quantité suffisante.

La matinée était employée à préparer la nourriture de nos bestiaux, à les traire, à renouveler leur litière ; ensuite nous faisions de la farine de manioc. Le ciel nuageux, le peu d’élévation de notre demeure, amenaient la nuit plus tôt que dans la plaine découverte ; nous allumions une de nos grosses bougies, ou plutôt un de nos cierges, une courge servait de chandelier. Nous nous rassemblions autour de la grande table ; ma femme cousait ; moi, j’écrivais mon journal, dont Ernest mettait les feuilles au net ; Fritz et Jack dessinaient, de mémoire, les plantes et les animaux les plus remarquables de l’île ; puis l’on récitait la prière du soir pour implorer la grâce de Dieu, et chacun allait dormir paisiblement sur son matelas.

Mon excellente femme nous ménageait de temps en temps de très-agréables surprises : profitant du moment où nous étions occupés de nos bestiaux, elle allumait un petit feu de roseaux et nous faisait cuire à la hâte tantôt un morceau de viande salée, un poulet, un pigeon, tantôt quelques-unes de nos grives conservées dans le beurre : c’était pour nous un régal délicieux.

Chacun de nous avait un animal à soigner, et je vis bien des fois mes enfants s’ôter les morceaux de la bouche, l’un pour son singe, l’autre pour son aigle, etc. ; moi, j’étais chargé de Turc, ma femme prenait soin de Bill ; François s’occupait aussi des deux chiens depuis la mort du perroquet-moineau.

La gêne extrême où nous étions nous fit décider que nous ne passerions pas la prochaine saison pluvieuse dans un si triste logis, et que Falkenhorst ne serait habité que l’été ;