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le robinson suisse.

chacal et du singe, qui ne se gênaient pas quelquefois pour faire main basse sur nos provisions.

Le condor et le vautour furent exposés à notre muséum tels quels : nous devions achever de les empailler pendant ces longues journées d’hiver où nous serions retenus prisonniers dans notre demeure.

Quant aux morceaux de mica et d’amiante, je les déposai dans mon atelier, remettant aussi à plus tard le soin de nous en servir. La gomme d’euphorbe avait également sa place déterminée, et, de peur qu’une confusion malheureuse n’occasionnât quelque accident, j’écrivis en grosses lettres, sur la fiole qui la renfermait, le mot : POISON.

Enfin les peaux de rats furent empaquetées et suspendues aux branches des arbres qui environnaient notre demeure, afin que leur odeur fétide ne vint pas se répandre jusque dans nos chambres.

Nos arrangements prirent plus de deux jours ; et certainement ces deux journées furent des mieux remplies. Cela me montra combien nous avions fait d’utiles découvertes, et me pénétra de cette pensée, qu’avec l’aide de Dieu l’homme, secondé par son intelligence, pouvait accomplir bien des actes et inventer bien des industries, que celui qui n’a pas été, comme nous, soumis à l’empire de la nécessité, serait tenté de regarder comme impossibles.

Jack mettait beaucoup de zèle et d’activité à me seconder : son caractère vif et léger lui faisait trouver un certain charme à ce changement continuel, à cette variété d’occupations. Mais Ernest, beaucoup plus tranquille et beaucoup plus froid, semblait peu croire à l’utilité de nos travaux. Il y avait chez lui quelque chose de cette nonchalance des Orientaux, qui ne trouvent aucun bien digne de la fatigue que coûte son acquisition. À l’entendre, nous eussions été beaucoup plus heureux en nous contentant de nos richesses actuelles et en nous livrant désormais à l’étude, qui, disait-il, nous donnerait d’autres jouissances que le bien-être