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le robinson suisse.

cependant un léger sourire de contentement personnel. Du reste, il fallait bien un peu l’excuser, car sa capture était réellement une bête magnifique. Le plumage des pattes était d’un beau rouge, le dos vert, le ventre d’un violet éclatant, le cou, enfin, était brun clair.

Je reconnus la poule sultane, que Buffon classe parmi les poules d’eau, et qui est très-douce et très-facile à apprivoiser. Quoique ma femme se plaignit quelquefois de ce qu’on lui apportait plus de volailles qu’elle n’en pourrait nourrir, la beauté de cette nouvelle poule la lui fit accueillir avec une vive satisfaction pour sa basse-cour.

Fritz nous fit ensuite le récit de son excursion ; il nous décrivit la rive opposée de la rivière, rive que nous n’avions jamais explorée, et dont la fécondité le frappa d’étonnement. Il avait vu de belles forêts qui s’étendaient depuis le rivage jusqu’au flanc de la montagne. Au-dessus de sa tête voltigeaient une foule d’oiseaux dont le ramage l’avait presque assourdi ; c’est alors qu’il s’était emparé de la poule sultane avec son lacet. Il avait continué de remonter la rivière plus loin que le marais des Buffles, et avait trouvé à sa droite une épaisse forêt de mimosas[1], où il avait aperçu quelques éléphants. Ils étaient par bandes de vingt ou trente, et semblaient jouer entre eux : tantôt ils dépouillaient les arbres de leurs feuilles, tantôt ils plongeaient dans le lac et se lançaient mutuellement de l’eau avec leur trompe ; du reste, ils avaient paru ne s’inquiéter nullement du jeune navigateur ni de son canot ; peut-être même ne l’avaient-ils pas aperçu. Un peu plus loin quelques panthères avaient quitté la forêt pour venir étancher leur soif sur le rivage, et la vue de ces puissants animaux, dont la riche fourrure resplendissait au soleil, faisait un effet magnifique au milieu de ces belles scènes de la nature sauvage.

  1. En botanique, le nom de la sensitive est mimosa pudica. (Note du traducteur.)