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le robinson suisse.

d’humide dans leurs mouchoirs liés aux quatre coins. À ma demande, ils les ouvrirent ; il en sortit des écrevisses de rivière.

J’appris que l’auteur de cette fameuse et mémorable découverte était le petit François. En s’amusant au bord de l’eau, il avait vu des écrevisses rassemblées par bandes autour du cadavre du chacal. Je fis rejeter dans la rivière les plus petits de ces crustacés. Je bénis Dieu de cette nouvelle ressource qu’il nous accordait.

Pendant que ma femme apprêtait le repas, mes enfants et moi nous tirâmes une à une nos poutres et nos planches sur le rivage. Je fabriquai ensuite une sorte de harnais pour l’âne et la vache, qui transportèrent nos matériaux de construction à l’endroit où les bords du ruisseau étaient le plus resserrés. À l’aide d’une ficelle nous évaluâmes cette distance à dix-huit pieds environ ; il fallait donc, en comptant les assises, que nos poutres eussent au moins vingt-quatre pieds : c’était en effet à peu près leur longueur. Mais comment nous y prendre pour les poser sur les deux rives ? Nous ouvrions un avis à ce sujet quand on vint nous chercher pour nous mettre à table. Ma femme nous montra deux grands sacs de toile qu’elle venait de coudre, et qui étaient destinés à l’âne et à la vache. N’ayant pas d’aiguille assez forte, elle s’était servie d’un clou pour percer la toile. Je la louai de son adresse et de son industrie, et, après avoir mangé, nous reprîmes le chemin de la rivière. Je croyais avoir trouvé le moyen de poser nos poutres.

La première chose que je fis fut d’attacher à un arbre de la rive une de nos poutres par une de ses extrémités, tandis qu’à l’autre je mis une corde dont je pris le bout. Je traversai le courant sur plusieurs pierres qui s’y trouvaient. Aidé de l’âne et de la vache, je tirai sur le câble, qui enfin tendit la poutre et l’attira en travers du ruisseau, dont elle unit les deux rives, au grand étonnement de Jack et de Fritz, qui, à l’instant même, s’élancèrent sur ce pont encore mal affermi et très-étroit.