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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/105

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seconde carrière, celle de réformateur social, qui commença quelque huit ou dix ans plus tard ; il autorise a dire que l’idée dominante qui inspira l’œuvre entière de Ruskin, depuis les Peintres Modernes jusqu’à la dernière lettre de Fors, fut la suivante : tout art élevé est le produit d’un siècle croyant et vertueux ; la religion, la justice et le bon ordre sont les racines d’un arbre puissant dont les beaux arts ne sont que les fleurs.

Malheureusement, en s’efforçant de prouver que tout grand art est essentiellement religieux, John Ruskin acquit pour lui-même la certitude que la religion puritaine dans laquelle il avait été élevé et dont il accepta les croyances jusqu’à sa maturité ne pouvait supporter l’épreuve ; et quand il voulut la modifier et la refondre, il s’aperçut que lui-même était déjà submergé. Écrivant de Venise en 1877 (Fors, LXXVI) il va jusqu’à dire : « que les idées religieuses enseignées dans ses livres et, en raison même de leur sincérité, sont susceptibles d’égarer, qu’elles peuvent même nuire et qu’elles sont en quelque sorte ridicules ». Mais cela, comme à l’ordinaire, est trop violent et fut, sans doute, écrit dans un moment de surexcitation. Cependant ces lignes ont été reproduites dans l’édition autorisée de 1896. Il est vrai que Ruskin, dans le déclin de ses forces mentales, sortit de l’ombre théologique au milieu de laquelle il allait tâtonnant