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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/110

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d’Arqua groupées comme des pyramides de pourpre, et, bordant l’horizon au nord, la chaîne des Alpes, mur bleuâtre et déchiqueté, montrant çà et là, par de larges fissures, tout un chaos d’abîmes et de précipices sauvages ; puis c’est le Rialto, plein d’ombre, lançant du palais des Camerlingues sa courbe pesante, colossale et pourtant si délicate, si diamantée, solide comme une caverne de rocs, gracieuse comme un arc légèrement tendu : mais le bateau avance bercé sur le flot d’argent ; tout à coup voici le palais Ducal tout brillant du rougeoiement de ses veines sanguines avec, en face, l’église d’un blanc de neige de Santa Maria della Salute. Oui, il est vrai, nous savons trop bien tout cela, oui, il y a là les « oripeaux » d’une rhétorique redondante », mais celui qui écrivait ainsi sentait ainsi. Et nous aussi Venise nous émeut, et nous ne pouvons pas l’oublier.

J’ai coutume de rappeler la comparaison entre Saint-Marc et une paisible cathédrale anglaise, au chapitre IV du second volume, comme une des descriptions les mieux senties, les plus subtilement délicieuses de toute notre littérature. Quelles touches exquises pour parler de ce « mélange d’étroit formalisme et de sereine sublimité » qui vit à l’ombre de la Cathédrale ! de ces joies faites de réclusion, de continuité, de douce somnolence ; de l’influence de ces sombres tours sur les