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Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/186

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intrusion de la science dans l’art et ici, il est évident qu’il a en vue une science professée dogmatiquement, car il mêle à tout une sorte de science qu’il tire de son propre fonds. On connaît l’histoire de ce vieux marin qui reprochait à Turner, dans son tableau du port de Plymouth, de n’avoir pas donné de sabords à ses vaisseaux. « Eh non, répondait le peintre, vous ne voyez pas les sabords, mon affaire est de peindre ce que je vois, non ce qui est. » « L’Art, dit Ruskin, n’a rien à faire avec les structures, les causes, les faits absolus, il ne s’occupe que des apparences ». Il en résulte que l’étude de l’anatomie est plutôt un embarras pour l’Art graphique. Michel-Ange, Botticelli, Dürer et Mantegna ont souffert de leur connaissance scientifique du squelette et de l’anatomie qu’on découvre sous la surface de leurs peintures ; ils cherchaient sans cesse à reproduire non ce qui pouvait se voir mais ce qu’ils savaient être caché sous les apparences extérieures. Mantegna et Dürer « furent absolument gâtés et paralysés » par leurs connaissances anatomiques. L’étude même du nu, en dehors de ce que montre la vie de tous les jours, ne peut que nuire à la peinture et à la sculpture — par exemple les études d’après nature de Mulready sont vulgaires et abominables. La raison en est que, si les artistes reproduisent bien ce qu’ils voient, ce n’est point en tous cas ce que