Page:John Ruskin par Frédéric Harrison.djvu/80

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mousses d’argent bruni, par places un châtaigner, raide et luisant ; et toujours les bords de la rivière en escalade les uns au-dessus des autres, formant des terrasses de pur velours vert, bordées par l’or des moissons ; par places encore, un rocher d’ardoise d’un noir de jais, lève son front au milieu d’eux, s’enfonce sous le lit torrentueux qui frange d’écume le bord opposé, formé d’une falaise grisâtre que surmontent un bouleau délicat, un pin sauvage, le tout se profilant sur la neige lumineuse du Mont Blanc, de l’autre côté, le puissant Varens dont les superbes escarpements se perdent dans les nuages. »

Le touriste alpin ne regarde ordinairement pas ainsi, ne voit pas de même et, le soir, n’écrit pas un pareil journal ; mais Ruskin sentait et écrivait ainsi. Il ne pouvait s’y soustraire — ne fût-ce que pour fixer la vision qui lui avait procuré tant de bonheur.

De retour en son pays, le jeune auteur se trouva déjà célèbre et fut bien accueilli dans le monde des lettres. Miss Mitford dit « qu’il était l’homme le plus charmant qu’elle eût encore rencontré ». John Murray voulut l’enrôler pour Albemarle Street et Lockhart l’attacha à la Quarterley Review. On l’engageait à écrire un article sur L’Art chrétien de Lord Lindsay. Ruskin avoue qu’il en savait bien moins que Lord Lindsay sur l’art italien mais il