Page:Joison - Le secret du cocu à roulettes ou le cadavre qui tue, 1915.djvu/20

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Mme Chélard parla :

— Je croyais mon mari mort… à jamais. J’en étais fort peinée. Cependant, il faut manger et je faisais mes provisions hier soir lorsqu’en traversant le Boulevard des Italiens, j’aperçois mon mari, près d’une porte, tendant sa sébille.

J’allai à lui.

— Comment !… toi ici !… toi vivant !… m’écriai-je.

C’était le cri du cceur, monsieur. Mon mari me regarde en souriant malicieusement. Je n’en revenais pas ! J’étais abasourdie.

— Moi mort ? s’écrie-t-il, et pourquoi ?

— Et ton cadavre qui était à la Morgue ! Et je parle, je parle… Je lui raconte que je suis allé reconnaître son cadavre à la Morgue, etc…

Tout à coup, mon mari se frappe le front : — Pardi ! s’écrie-t-il, c’est vrai. J’avais oublié que j’étais mort !

Et brusquement il se lève de son chariot et, sans me dire un mot, il prend ses jambes à ton cou.

Lautrec ne put s’empêcher de rire :

— Pour un cul-de-jatte c’est le comble ! dit-il. Et ce fait démontre que si le gaillard avait retrouvé ses jambes, il avait, du même coup, perdu la tête.

Mais, continua-t-il en s’adressant à Mme Chélard, êtes-vous bien certaine d’avoir reconnu votre mari ? Le chagrin excuserait une méprise fort compréhensible.

— Je l’ai reconnu là, comme j’ai reconnu son cadavre à la Morgue.

Mon ami sourit ;

— Il faudrait pourtant pour que vous eussiez pu le voir, vivant, boulevard des Italiens, qu’il ne fût plus, étendu, mort, sur la dalle de la Morgue.