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Page:Joly - Note sur l'enseignement agricole en France et à l'étranger.djvu/14

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bre[1] » puis… le ministre tombe, et on recommence trois mois après… à ne rien faire.

Pourquoi laisser dépérir le sol même de la Patrie pour aller conquérir au loin des deltas fiévreux qu’il faut arroser du sang de nos enfants et où il faut engloutir des centaines de millions pour des résultats problématiques ?

Nous avons à notre porte une colonie exceptionnelle, l’Algérie, et nous la négligeons, laissant ainsi la proie pour l’ombre.

En industrie, nous faisons des Expositions splendides ; nos voisins viennent piller nos dessins, fabriquer ensuite à moitié prix et prendre notre place sur les marchés de l’univers. Nos ouvriers, que l’on exalte et qu’on flatte pour avoir leurs votes, s’accoutument à un bien-être fort désirable, sans doute, mais qui n’existe pas autour de nous et qui fait que nous fabriquons plus chèrement. Si, encore, nous allions étudier sur place les besoins et les goûts des peuples étrangers[2], nous pourrions modifier notre fabrication, l’adapter aux besoins et aux climats de nos acheteurs, mais il est si doux de rester chez soi, de ne parler que sa langue, d’attendre l’acheteur et de lui imposer ses goûts ! Pendant ce temps-là nos voisins envoient leurs enfants et leurs échantillons à l’étranger, ils créent des relations, étudient les besoins, perfectionnent leur outillage commercial et peu à peu nous évincent des marchés du monde.

Sommes-nous un peuple pratique ?

Je veux bien le croire, mais citons deux faits : nous songeons à célébrer un centenaire politique, à refaire une exposition internationale et à convier les gouvernements étrangers à venir fêter chez nous des principes qui sont l’anéantissement de leur propre existence : avouons que c’est peu tentant pour eux et qu’il est impossible d’agir avec plus de légèreté et d’irréflexion ;

  1. On sait que, chez les Députés, ce patriotisme consiste à promettre beaucoup à leurs électeurs, puis, une fois nommés, à taxer les contribuables et à laisser les affaires du pays pour faire les leurs, et rentrer dans les frais de leur élection.
  2. Voir à cet égard les excellentes « Notices coloniales, publiées à l’occasion de l’exposition d’Anvers, en 1885, par le ministère de la marine et des colonies. » Paris, imprimerie nationale. 3 vol. in-8o.