Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/254

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abattu et humilié. Mais, en allant mourir chez lui, entre les siens, près de l’église de ses ancêtres paysans, il laissait des disciples, dont certains furent envoyés en Occident, à Pisé, à Paris, pour y faire des études avant d’être employés dans un enseignement qui devait progresser rapidement. L’élève favori de Lazar avait été Jean Eliad (Héliade). Né dans les rangs du peuple des villes, il ne devait pas quitter sa patrie avant 1S4S, c’est-à-dire avant un âge de maturité avancée ; il resta donc pendant toute sa jeunesse au milieu des seules réalités de sa race. Eliad, plus tard, lorsqu’il crut pouvoir faire croire au public qu’il descendait du prince Radu, fondateur putatif de la Valachie, se fil nommer aussi Radulescu. Jusqu’au bout, dans son enseignement, dans ses ouvrages de philologie, comme sa célèbre grammaire de 1829, dans son journalisant cette même année, le Curierul Ro-mànesc, dans ses traductions, en prose et en vers, du français, et dans sa littérature originale, il conserva l’esprit du terroir, cet esprit fait d’humour populaire, de touchante poésie, de forte logique implacable, et aussi de passion et de rancune. De jeunes officiers, nés dans les rangs de la très petite noblesse de province, comme Basile Càrlova, ou parmi les commensaux de l’aristocratie, comme Grégoire Alexandrescu, furent ses collaborateurs littéraires ; ils ont été les premiers poètes modernes de la nation. Si Càrlova n’eut pas le temps de développer le talent élégiaque qu’il avait fait valoir en chantant les « Ruines de Târgoviste », Alexandrescu, lyrique assez médiocre dans ses chants d’amour, trouva, dans les qualités fondamentales de l’âme roumaine qui avait produit toute une littérature satirique, pleine d’à-propos et de malice, la saveur particulière de ses fables, dignes d’être placées à côté de celle de La Fontaine, qu’il dépassa quant à leur portée politique actuelle, à l’influence