Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/46

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dans la seule région du Danube, et non dans celle des montagnes, le grand passage des Slaves vers les Balcans et le littoral adriatique.

L’influence considérable qu’on leur a attribuée n’est pas justifiée par l’examen des sources historiques, ou bien par l’étude des mœurs et de la langue. N’est-on pas allé, au gré des intérêts politiques, jusqu’au point de confondre notre peuple, si manifestement latin pour tout ce qui concerne l’essentiel de la pensée, du sentiment, de la vie individuelle et sociale avec la grande masse slave dont il est entouré ? Or, l’anthropologie et l’ethnographie ne constatent pas le type slave chez les Roumains, mais bien le type thrace, brun, court de taille, vif de physionomie et de figure ouverte. Les emprunts faits aux Slaves par le langage n’ont fait que nuancer, souvent même simplement doubler, le fond primitif servant à exprimer les idées et les sentiments (à côté du verbe a iubi, par exemple, aimer, on a l’ancien sens du verbe : a placea ; chez les Roumains balcaniques : a vrea, vouloir). Si les termes concernant l’agriculture sont slaves, les noms des animaux sont tous sans exception d’origine latine : slaves sont les mots désignant, non les opérations fondamentales du labour, mais seulement les opérations dérivées, et surtout les ustensiles ; et l’histoire montre que le commerce danubien, d’abord latin et grec, puis devenu slave au VIe siècle, a fort bien pu fournir, par les achats dans les villes du rivage et dans les foires (nedei, mot slave), ces termes nouveaux. La nomenclature géographique, si elle est manifestement slave en Transylvanie, a une ancienne origine sarmate. Ainsi limitée, on peut dire cependant que cette influence fut la seule réelle et profonde.

Mais la steppe continuait à envoyer ses peuplades vers ce grand chemin du Danube qui menait aux splendeurs de Byzance. Les nouveaux envahisseurs