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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

cher ami, je vous prie, par le tendre intérêt que je prends à vous et par celui de la Géométrie, dont vous êtes la ressource, de ménager une santé aussi précieuse que la vôtre pour vos amis et pour les sciences. Croyez-moi, ne vous excédez point de travail et ne vous détruisez pas par une vie trop sédentaire. Personne peut-être n’a observé dans le travail plus de régime que moi ; cependant je m’en ressens aujourd’hui au point de ne pouvoir presque plus m’occuper. Lisez le Livre que vient de donner M. Tissot, médecin de Lausanne, De morbis litteratorum[1], et conformez-vous, comme je fais, à ce qu’il prescrit. Il n’est plus guère temps pour moi, mais il l’est encore pour vous, qui avez vingt-cinq ans de moins.

Je vous annonce d’avance et de bonne heure que nous remettrons sûrement à l’année 1770 le prix sur la théorie de la Lune ; il sera double, c’est-à-dire de 5000fr cela vaut bien la peine de vous tenter, surtout depuis votre mariage, et vous aurez tout le temps de faire cette besogne à votre aise.

Avez-vous des nouvelles d’Euler ? Je serais bien affligé qu’il fût devenu aveugle.

Je crois vous avoir dit que je fais imprimer le quatrième Volume de mes Opuscules ; la plupart des choses qui doivent y entrer vous sont connues ; j’y ai fait seulement quelques changements et quelques additions je compte qu’il paraîtra dans le courant de l’année 1769. Vous trouverez dans les Volumes de l’Académie, à mesure qu’ils paraîtront, la suite de mes recherches sur les verres. Je m’occupe actuellement à quelques recherches analytiques sur la théorie de la Lune, que je donnerai aussi dans les Volumes de l’Académie. Au reste, je vous prie de ne faire part à personne de la remise que je vous annonce du prix à l’année 1770 ; je crois seulement devoir vous en avertir, par le désir que j’ai que vous le remportiez. Adieu, mon cher ami ; donnez-moi des

  1. Simon-André Tissot, né à Grancey (pays de Vaud) en 1728, mort en 1797. L’Ouvrage si connu dont parle d’Alembert parut à Lausanne, 1766, in-8o, sous le titre de De valetudine litteratorum et fut traduit par Tissot lui-même en français sous le titre de De la santé des gens de lettres, 1768, in-12, souvent réimprimé.