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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

l’ai pas encore envoyé faute d’avoir trouvé une occasion convenable ; elles se présentent très-rarement. M. Formey s’est chargé de voir si l’on pourrait profiter du canal du Bureau des Affaires étrangères ; mais il ne m’a pas encore rendu réponse.

M. Beguelin, à qui j’ai fait votre commission, est très-sensible à votre souvenir et n’a point, à la vérité, reçu de vos Lettres ; mais il lui suffira que vous vouliez bien jeter les yeux sur ses Mémoires et lui en dire votre avis. C’est un homme très-estimable par sa science et par son caractère. Il a été précepteur de Mgr le prince de Prusse[1] ; mais, s’étant trouvé en quelque sorte enveloppé dans la disgrâce du gouverneur du prince[2], il paraît avoir été un peu oublié du roi : c’est pourquoi il souhaiterait que vous voulussiez bien vous intéresser pour lui en temps et lieu. Au reste, il est beau-frère de M. de Catt, mais il ne paraît pas qu’il compte beaucoup sur la protection de ce dernier.

Je crois que le comte de Redern vous aura mis un peu au fait de l’état actuel de notre Académie elle aurait grand besoin d’un chef ; nos Règlements sont extrêmement imparfaits, et on ne les suit presque pas ; il y a des membres qui ne pensent qu’à brouiller, dans l’espérance de pouvoir dominer ; enfin, à l’exception d’un très-petit nombre qui travaillent, les autres ne s’occupent que de brigues et de cabales.

Je lis actuellement votre cinquième Volume d’Opuscules et j’y trouve de très-excellentes choses ; j’aurai peut-être l’honneur un jour de vous faire part des réflexions que cette lecture me fait faire, si, par un plus sérieux examen, je les trouve dignes d’être soumises à votre jugement.

Je vous embrasse de tout mon cœur et suis à vous pour la vie.


  1. Ce prince était neveu de Frédéric II, qui le déclara prince royal en 1758, et auquel il succéda sous le nom de Frédéric-Guillaume II. Né le 25 septembre 1744, il mourut le 16 décembre 1797.
  2. Le gouverneur du prince était le comte de Borck, que Frédéric II, en 1764, exila dans ses terres en Poméranie, en même temps qu’il renvoyait Beguelin à Berlin. « On a prétendu, dit Thiébault, que ce qui avait déterminé le roi à les renvoyer, c’est qu’un jour le comte de Borck, interrogé, chez le prince et pendant le dîner, sur la préférence à accorder en général à un roi guerrier ou à un roi pacifique, avait paru estimer ce dernier plus que l’autre. » (Mes souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, 1813, t. I, p. 315.)