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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

D’ailleurs, comme il paraît avoir méprisé mes objections, parce qu’il est plus facile de mépriser que de répondre, je serai fort aise, je vous l’avoue, de les voir appuyées et démontrées par vous.

J’ai lu les Lettres de M. Euler à une princesse d’Allemagne, et je vous ai mandé ce que j’en pense. Vous désirez de savoir ce que je pense de sa théorie de la Lune. Il nous a en effet envoyé une pièce sur cet objet, écrite de la main de son fils[1]. Je vous demande le secret, parce que je suis un des juges, et même (entre nous) le seul des cinq commissaires nommés qui puisse apprécier son travail[2]. Cette théorie est au-dessous (oui au-dessous) de ce qui a été fait de bon jusqu’ici ; je ne puis revenir de mon étonnement, qu’un homme tel que M. Euler ait annoncé avec tant d’emphase un Ouvrage aussi médiocre. Aucun point de la difficulté n’y est résolu, ni même touché, et je vous dis d’avance à l’oreille que mon avis sera de remettre le prix une troisième fois ; ce sera 7500 livres à gagner, et j’espère que vous y aurez bonne part, car je vous garantis que vous ne devez pas hésiter à concourir.

Votre Académie de Turin me tourmente pour lui envoyer quelque chose. Je ramasse actuellement, pour la satisfaire, quelques broutilles que j’ai dans mes papiers. Dès que j’en serai quitte, je reverrai mes calculs sur les lunettes achromatiques, et j’espère découvrir en quoi ils s’écartent des résultats de M. Beguelin, à qui je vous prie de faire mille compliments de ma part. Je viens encore d’écrire en sa faveur au Roi, ainsi qu’en faveur de M. Lambert[3], dont je n’ai point encore reçu les deux Ouvrages que vous m’annoncez en attendant, je vous prie de lui en faire tous mes remercîments et de l’assurer de ma parfaite estime.

  1. Euler eut trois fils Jean-Albert-Léonard, né le 27 novembre 1734 à Saint-Pétersbourg, où il mourut le 6 septembre 1800 ; Charles, né en 1740 à Saint-Pétersbourg, mort en 1800 ; Christophe, né à Berlin en 1743, mort vers 1805.
  2. D’après les Registres manuscrits de l’Académie des Sciences, la Commission chargée de l’examen des pièces du concours pour le prix de 1768, remis à 1770, était composée de d’Alembert, Cassini, de Mairan, Camus et Lemonnier. Camus, étant mort, fut, à la séance du 6 septembre 1769, remplacé par Maraldi.
  3. « Les trois sujets dont Votre Majesté me fait l’honneur de me parler, écrit d’Alembert le 16 octobre, MM. de la Grange, Beguelin et Lambert, sont en effet les meilleurs de l’Académie, et très-dignes à cet égard des bontés de Votre Majesté. J’espère que le jeune M. Bernoulli marchera sur leurs traces. » (Œuvres de Frédéric II, t. XXIV, p. 462.)