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DE LAGRANGE AVEC D’ALEMBERT

108.

D’ALEMBERT À LAGRANGE.

À Paris, ce 22 août (1772).

Mon cher et illustre ami, je profite de l’occasion de M. Borelli[1] pour vous écrire. Il vient à Berlin pour y être professeur à la place de feu M. Toussaint[2] dans l’Académie des Gentilshommes. C’est moi qui l’ai donné au Roi[3] ; j’espère qu’on en sera content. Je vous demande pour lui vos conseils et votre amitié.

J’ai reçu le Volume de 1770 et les œuvres très-mesquines du grand Kæstner. J’ai d’abord été à vos Mémoires, comme vous le croyez bien, et surtout à votre Mémoire sur les tautochrones ; mais, au bout de quelques minutes, j’ai senti que ma tête n’était pas capable de le suivre. Je l’ai donc laissé, à mon très-grand regret, pour le reprendre dans un moment plus favorable, s’il plaît à la nature de me l’envoyer. À peine ai-je de tête ce qu’il en faut pour corriger tant bien que mal les épreuves du sixième Volume de mes Opuscules, que je compte vous envoyer à la fin de l’année, et qui ne contiendra pas grand’chose qui mérite votre attention. Pour éviter tout à la fois et de me fatiguer par l’application et de me pendre d’ennui, je m’amuse à écrire l’histoire de l’Académie française ; j’en ai déjà fait la Préface, que je compte lire

  1. Jean-Alexis Borrelly, littérateur, né à Salernes (Var) en 1738, mort vers 1810 à Berlin, où il était devenu membre de l’Académie dès le mois d’octobre 1772.
  2. François-Vincent Toussaint, écrivain, né à Paris vers 1715, mort le 22 juin 1772 à Berlin, où il était membre de l’Académie depuis 1764.
  3. Le 30 juin 1772, Frédéric II écrivait à d’Alembert : « À propos, nous venons de perdre Toussaint ; il me faut un bon rhétoricien à sa place. J’ai pensé à ce Delille, traducteur de Virgile… En cas qu’il refuse, je vous prie de me proposer quelque autre sujet de mérite et qui pût figurer pour les Belles-Lettres dans notre Académie. » Le 14 août, d’Alembert répond « Je n’ai rien négligé pour répondre à la confiance dont Votre Majesté a bien voulu m’honorer en me chargeant de choisir un professeur de rhétorique et de logique pour son Académie des Gentilshommes. Après les informations et les perquisitions les plus exactes, je crois y avoir réussi, et j’ai l’honneur d’envoyer ce professeur à Votre Majesté. Je crois pouvoir lui répondre de sa capacité, de son caractère et de sa conduite. »