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LAGRANGE À D’ALEMBERT.
Si j’avais, mon cher et illustre ami, une voie pour vous faire parvenir mes Lettres sans frais, je me ferais un devoir et un vrai plaisir de vous donner plus souvent de mes nouvelles ; mais, en vérité, je fais conscience de vous causer à la fois de l’importunité et de la dépense par mes Lettres ; j’ai donc différé à vous répondre jusqu’à ce que le Mémoire dont je vous ai parlé fût prêt, et je profite maintenant de l’occasion que l’envoi de ce Mémoire me fournit pour vous écrire et vous renouveler les assurances de mon inviolable attachement. J’ai aussi en cela un autre motif : c’est de vous prier de vouloir bien examiner mon Mémoire avant qu’il soit présenté à l’Académie, d’y faire tels changements que vous jugerez à propos, ou même de le supprimer si vous le trouvez peu intéressant et peu propre à mériter l’attention de votre illustre corps. Je vous supplie d’être bien convaincu que ce n’est pas là un pur compliment de ma part, dans le dessein de vous engager à louer mon Ouvrage d’autant mieux que je parais avoir moins de prétentions ; je me flatte que vous devez assez connaître ma manière de penser pour me croire incapable d’une telle finesse. Je suis sensible comme je le dois à vos éloges, et je les regarde même comme la plus grande et presque l’unique récompense de mes travaux ; mais je suis toujours si peu content de ce que je fais, et j’en fais même si peu de cas, qu’il n’est pas étonnant que j’aie une grande défiance du mérite de mes Ouvrages.
Je viens d’en recevoir un d’un homme dont la manière de penser me paraît être l’antipode de la mienne : c’est la Cosmographie physique et mathématique du P. Frisi[1]. Je vous avoue que j’ai été très-scandalisé de voir qu’il ait adopté, pour déterminer le mouvement de l’apogée
- ↑ Cosmographiæ physicæ et mathematicæ Pars prior ; Milan, in-4o.