Page:Joseph Louis de Lagrange - Œuvres, Tome 13.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Europe, et surtout vis-à-vis d’un monarque tel que le roi de Prusse, du peu d’égard qu’on a ici pour les sciences, et je ne doute pas, d’après la manière dont on m’a parlé, qu’on ne m’eût imposé silence sur cette affaire si je n’avais eu la précaution de rendre votre Lettre publique. Quoi qu’il en soit, j’ai tout lieu de croire que ma condition ne pourrait qu’empirer si j’étais obligé de rester ; aussi suis-je déterminé à me tirer d’ici à quelque prix que ce soit, et pour cela je compte sur votre parole, sur votre amitié et sur tout l’intérêt que vous voulez bien prendre à ce qui me regarde.

La personne dont vous m’avez parlé dans votre pénultième Lettre[1] est actuellement sur mer ; quand elle sera de retour, je ne manquerai pas de la sonder sur ce que vous avez entendu dire sur son sujet ; mais je ne doute pas que les torts qu’on lui a faits en dernier lieu ne l’aient mise dans la disposition que vous me marquez.

J’ai vu ces jours derniers le P. Frizi[2], qui s’en va à Paris ; il a dessein de présenter à l’Académie un Ouvrage de sa façon sur la gravité, dans lequel il m’a dit avoir traité des principaux points du système du monde ; mais, entre nous, je ne le crois pas bien fort sur ces matières.

Le Volume de notre Société paraîtra infailliblement vers la fin de ce mois, et je vous en enverrai sur-le-champ un exemplaire ; mais je ne voudrais pas que vous eussiez d’avance une opinion trop avantageuse de mes travaux, de peur que vous ne soyez ensuite obligé d’en rabattre beaucoup.

Je relis actuellement vos Mémoires sur les verres optiques, que je n’avais fait que parcourir, et j’en suis content au delà de tout ce que

  1. Il s’agit de Daviet de Foncenex, dont il a été parlé plus haut (p. 4, et que d’Alembert, dans une Lettre datée du 12 septembre 1766, propose au roi de Prusse comme un « homme de condition et de beaucoup de mérite, surtout dans la partie de l’artillerie et du génie. M. de la Grange, ajoute-t-il, est persuadé qu’il serait propre à former en ce genre une excellente école. Il est actuellement sur mer, employé dans la marine du roi de Sardaigne, où il est peu satisfait de son traitement. » (Œuvres de Frédéric II, t. XXIV, p. 409-410.)
  2. Paul Frisi, barnabite, né en 1727 à Milan, où il est mort en 1784. Il était, depuis 1753, correspondantde l’Académie des Sciences, qui, en 1758, avait donné un prix à son Mémoire : De Atmosphœra cœlestium corporum.