Page:Joseph Marchand - L'Université d'Avignon aux XVIIe et XVIIIe siècles.djvu/264

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Mais ce n’étaient là que menues chicanes au regard d’un autre procès, celui de la juridiction du primicier, lequel dura près d’un siècle et peut montrer à lui seul avec quelle énergique persistance l’Université savait défendre ses droits, mais aussi à quel prix elle devait en acheter la consécration souvent incomplète.

On a précédemment indiqué[1] l’origine et la portée du litige et aussi son issue. Il n’était pas d’affaire plus importante, disait en 1683 le primicier ; ne prétendait-on pas y « débattre l’établissement et existence mêmes de l’Université[2] ? » Cette juridiction spéciale que les papes Jean XXIII et Léon X avaient accordée aux docteurs et qu’en fait le primicier exerçait seul, quelles en étaient la nature et les limites ? Était-elle réservée aux seuls régents et officiers de l’Université ou s’étendait-elle à tous les agrégés, voire à tous les docteurs résidant à Avignon ? Comprenait-elle les seules causes civiles ou aussi les crimes et délits (causæ criminales læviores) ou ces derniers seulement ? Était-elle sans appel ? S’appliquait-elle dans tous les cas, que l’intéressé fût demandeur ou défendeur ou seulement in passivis ! Ces questions qu’il était plutôt imprudent de trancher et qu’en présence des modifications que le temps

  1. V. livre I, ch. I, p. 35. On sait combien étaient nombreux les tribunaux d’Avignon et leurs attributions mal délimitées. Outre les consuls, dont la juridiction était réduite aux matières de police, les conservateurs des marchands et l’Officialité qui, avec les juges de Saint-Pierre, au nombre de deux, formaient un premier degré de juridictions spéciales, on trouvait dans cette ville, le tribunal du vice-gérent, juge des soumissions et juge ecclésiastique, qui connaissait par privilège des causes religieuses soustraites à la juridiction de l’archevêque et des évêques, celui de l’auditeur général, suppléant du vice-légat, qui était à la fois un juge de première instance et un juge d’appel ; et le tribunal de la rote, cour d’appel pour tout le Comtat ; enfin, le vice-légat était juge suprême en appel. C’est contre les intrigues du vice-gérent et de l’auditeur général que l’Université eut à défendre constamment ses privilèges judiciaires.
  2. Assemblée du Collège des docteurs du 21 oct. 1683. A. V, D 31, fo 152.