Page:Joseph Marchand - L'Université d'Avignon aux XVIIe et XVIIIe siècles.djvu/327

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Et quatre ans plus tard, un autre primicier faisait entendre les mêmes accents. Durant l’occupation française, les classes avaient langui ; le zèle des professeurs s’était relâché ; ils délivraient maintes attestations d’études mensongères. Fallait-il donc donner au gouverneur, qui allait arriver dans la province, le spectacle d’un corps sans âme et sans ressort ? Avait-on oublié les glorieux exemples que, pendant plusieurs siècles, tant de professeurs illustres avaient donnés ? Et la renommée qu’ils avaient laissée allait-elle faire la honte de leurs indignes successeurs[1] ?

De pareilles exhortations, pathétiques et sincères, mais stériles et vite oubliées, voilà tout ce que l’Université avigno-

  1. A. V. D 35, fo 75. Assemblée des docteurs du 10 mars 1774. Disc. de M. Joseph de Poulle, primicier. — L’occupation d’Avignon et du Comtat par les troupes du roi Louis XV, à partir du 11 juin 1768, eut pour conséquence la suppression de l’ordre des Jésuites dans tout l’ancien état pontifical de France. L’expulsion des Pères eut lieu en 1768, et leurs biens furent vendus, l’année suivante. Dès le 23 juillet 1768, le collège d’Avignon était fermé. Le 31 août suivant, le Conseil de Ville s’occupait de remplacer les professeurs jésuites et recevait les propositions des Pères de la Doctrine Chrétienne, des Minimes (qui, un moment, au commencement du xviie siècle, avaient semblé devoir remplacer les Jésuites, en lutte avec la Municipalité d’Avignon, à propos de l’établissement d’un collège à Carpentras) et des Bénédictins du collège de Saint-Martial de Cluny. Par 45 voix contre 9, il choisit les Bénédictins. Mais le bon accord ne régna pas longtemps entre la Municipalité et les nouveaux directeurs du collège, dont on incriminait d’ailleurs les pratiques et qui virent le chiffre de leurs élèves tomber à 69, en 1781 (le collège des Jésuites comptait 800 à 900 élèves, quand il fut fermé). Les Bénédictins abandonnèrent la direction du collège municipal, au moment où on allait probablement la leur enlever et furent remplacés par les Pères de la Doctrine chrétienne ou Doctrinaires, qui réunirent un moment 250 ou 300 élèves et ne disparurent que pendant la Révolution (Arch. municipales d’Avignon. Reg. des délibérat. du Conseil de Ville, t. LI, fo 99, et t. LVI, fos 163, 211, 242). L’Université ne profita pas de cette décadence du collège municipal. Les étudiants en philosophie et en théologie fréquentèrent de plus en plus les Séminaires, dont la prospérité ne cessa de croître et qui étaient, au xviiie siècle, au nombre de trois, ainsi qu’il a été dit (Séminaire de Notre-Dame de Sainte-Garde, séminaire de Saint-Charles de la Croix, dirigé par les prêtres de Saint-Sulpice, collèges du Roure et de Saint-Nicolas, réunis en 1709 et devenus un véritable séminaire, sous la direction des Pères de la Mission).