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L’ILE DU DIABLE

III

Les lépreux dispersés, — on brûla leurs huttes[1], seul moyen de purger le rocher de leur vermine, — Dreyfus fut amené à l’île du Diable[2].

Une seule case s’y élevait, à quelques pas du débarcadère. Les juges militaires n’avaient condamné Dreyfus qu’à la déportation perpétuelle ; Mercier, de sa seule autorité, y ajouta la réclusion ; et l’Administration pénitentiaire y consentit.

La case, construite à l’usage du prisonnier, était en pierre et mesurait quatre mètres cubiques. Les fenêtres étaient grillées. La porte, à claire-voie, barreautée de fer, s’ouvrait sur un tambour, « absolument inattaquable du dehors[3] », où se tenait, nuit et jour, un surveillant. Les surveillants se relayaient de deux en deux heures. La nuit, pour faciliter leur besogne, un falot éclairait la case.

Le commandant des îles avisa Dreyfus que toute tentative d’indiscipline serait réprimée avec la dernière rigueur. Il répondit qu’il se soumettrait sans réserve : « Je jure sur l’honneur, — car mon honneur est resté intact, — que j’attendrai avec résignation le moment où mon innocence sera reconnue[4]. »

  1. Article de G. Calmette, dans le Figaro du 8 septembre 1896.
  2. 13 avril 1895.
  3. Rennes, I, 249 ; Jean Decrais, Rapport officiel sur le séjour de Dreyfus à l’île du Diable.
  4. Rennes I, 253, Rapport d’avril 1895. — Tous les récits relatifs à des tentatives d’évasion qui auraient été proposées à Dreyfus par des habitants de Cayenne et, d’ailleurs, repoussées par lui (Jean Hess, loc. cit., 62, 141), sont de pure invention.