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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


manœuvre napoléonienne comme si elle était la prescience d’un génie dominateur, c’est vouloir diminuer ce génie. » — Et ailleurs :

À la guerre, examiner, approfondir toutes les hypothèses, mais ne jamais fonder sur elles aucune certitude, n’avoir aucune idée préconçue, s’inspirer des circonstances et les dominer. On peut bien indiquer les principes des manœuvres napoléoniennes, mais, quant à la manœuvre elle-même, elle dépend de l’artiste. Et quel artiste fut plus génial dans l’ordre militaire que Napoléon !

Il n’ose pas confier au papier « tout le fanatisme de son espérance » ; mais il rêve encore qu’il conduira, lui aussi, un jour, quand justice lui aura été rendue, une armée française, qu’il appliquera les préceptes de son maître et qu’il remportera des victoires, rendra à la France sa limite naturelle, le Rhin. Il donne ce conseil patriotique, belliqueux, révélateur de l’ambition qui l’a hanté, qui le hante encore : « L’image du Rhin ne doit jamais s’effacer de nos mémoires. »

Il garde la conscience de ses aptitudes stratégiques ; il se croit propre à la guerre, « qui est affaire de jugement et de bon sens ».

Déjà, au Cherche-Midi, il s’était mis à apprendre l’anglais. Il continua à l’île du Diable, « pendant plusieurs heures par jour », à faire des exercices, des traductions[1]. Il transcrit, apprend une centaine de locutions usuelles, comme à la veille d’un voyage en Angleterre.

Il raisonna jusqu’à l’utilité du régime qui lui était imposé et qui l’obligeait aux grossiers travaux matériels. Ces besognes remplissent une partie des lon-

  1. Cinq Années, 128, 143, 154.