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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la police militaire qui évoque le droit éternel et parle de justice dans les camps.

Quelle sottise d’avoir appelé cet honnête homme, ce faux frère, dans un poste de confiance, quand on avait là, sous la main, Du Paty et Henry ! De quoi, si on le brusque, ne sera-t-il pas capable ? N’a-t-il pas déjà révélé à Billot la forfaiture de Mercier ? Il n’a pas compris, comme on le croyait, que le chef, c’est Boisdeffre, non pas le ministre, ce général politicien !

Noire trahison. Et Gonse, Boisdeffre, sont sincères dans la haine clairvoyante qui les remplit d’angoisse, dans la colère qui leur serre la gorge. Mais toute loyale imprudence serait fatale. Il faut savoir ruser avec ce gêneur, avant de le perdre.

Ainsi Gonse ne heurte pas Picquart, cherche surtout à écarter de cet esprit soupçonneux, en éveil, toute idée que Boisdeffre et lui-même seraient hostiles à l’œuvre de réparation et de vérité. Gonse veut tout ce que veut Picquart, en douter serait lui faire injure ; mais il doit plus d’expérience au lourd privilège de l’âge ; et cette expérience, cette sagesse, le jeune officier en saura profiter.

Après être convenu que les informations de Picquart sont « inquiétantes[1] », il n’en persiste pas moins « dans son premier sentiment », qui est « d’agir avec une extrême circonspection » :

Au point, lui dit-il, où vous en êtes de votre enquête, il ne s’agit pas, bien entendu, d’éviter la lumière ; mais il faut savoir comment on doit s’y prendre pour arriver à la manifestation de la vérité.

  1. « Malgré ce que votre lettre du 8 contient d’inquiétant », c’est Gonse qui souligne, — « je persiste, etc… »