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LA DOUBLE BOUCLE


tère[1] ; tous les officiers demandaient qui l’avait écrit, dicté. À la première heure, Gribelin, plus sournois que bête, mais jouant à la bête, exprima à Picquart l’honnête crainte que le bureau fût soupçonné : « Comme le commandant Henry est absent, on est fondé à croire que c’est vous ou moi qui avons commis une indiscrétion au sujet de la pièce secrète. » — Ainsi, trois officiers seulement « auraient possédé les éléments nécessaires à la rédaction de l’article[2] », et puisqu’Henry est en congé et que Gribelin se met nécessairement hors de cause, l’indiscret, c’est Picquart. — « Soyez tranquille, reprit le colonel, je ne croirai jamais que c’est vous et je vous couvre[3]. » Il prit la peine de le rassurer, de lui expliquer que vingt personnes au moins[4] avaient connaissance des pièces secrètes et de l’usage qui en avait été fait[5].

Gribelin savait-il d’où venait l’article ? venait-il essayer sur Picquart lui-même la calomnie qui se répandra demain dans les bureaux : que l’article est de Picquart, qu’il a voulu forcer la main aux chefs par cette insolente révélation ?

Mais Picquart ne se méfiait pas de Gribelin.

Il écrivit donc au général Gonse, en lui envoyant l’article de l’Éclair, que ses prévisions se trouvaient réalisées, confirmées par ces divulgations[6]. « Je vous disais que nous allions avoir sur les bras de gros ennuis,

  1. Cass., I, 166, Picquart.
  2. Instr. Fabre, 21, Gribelin.
  3. Ibid., 98, Picquart.
  4. Mercier, Billot, Boisdeffre, Gonse, Sandherr, Picquart, Henry, Gribelin, Junck, Du Paty, Pauffin de Saint-Morel, Cordier, Lauth, Boucher, d’Aboville, Fabre, André Lebon, Hanotaux, et les sept juges.
  5. Instr. Fabre, 98, Picquart,
  6. Lettre du 14 septembre 1896 : « Mon Général, le 8 septembre, j’avais l’honneur d’attirer votre attention sur le scan-