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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Boisdeffre, apparemment, témoigna de quelque embarras ; Henry revendiqua la responsabilité de son acte. Sinon, il perdait ses avantages.

Il était d’autant plus fort, contre Mercier, contre Boisdeffre, qu’il avait supprimé du dossier secret tout ce qui le pouvait engager lui-même. Le dossier, que Gribelin a remis à Picquart comme étant celui qui a été communiqué aux juges en chambre du conseil, n’est pas exactement ce dossier[1]. Henry en a fait disparaître les fausses pièces qui trompèrent les juges ; à la notice biographique de Dreyfus, à l’acte d’accusation secret qui relate une longue série de trahisons du Juif et invoque la raison d’État, il a substitué l’imbécile commentaire de Du Paty, qui n’a pas servi. Du Paty est le confident, l’ami de Boisdeffre ; mais Boisdeffre n’avertira ni Billot ni Picquart de cette fourberie, il laissera imputer à Du Paty l’honneur immérité d’avoir été le principal instrument de la condamnation de Dreyfus.

Boisdeffre, par sa complicité avec Mercier, est désarmé contre tant de vilenies.

Mais comment Henry a-t-il laissé tomber ce dossier aux mains de Picquart ?

Deux malfaiteurs, en danger, ne se reprochent pas leurs crimes, mais leurs maladresses.

Ici, Henry était en faute. Ou il se targua de cette faute heureuse, qui le faisait le maître de l’État-Major, ou il allégua que, présent, il n’eût pas remis le petit dossier à Picquart.

Un peu plus tard, Henry inventa la consigne qu’il aurait reçue de Sandherr et qu’il aurait oublié de passer à Gribelin en lui remettant les clefs et le mot de l’armoire : à savoir « qu’Henry ne devait donner le dos-

  1. Voir t. I, 452, 453.