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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sentent, à l’on ne sait quoi d’indéfinissable, qu’il les juge sévèrement. Et, de cela encore, ils se seraient consolés. Mais Picquart continue à voir tous les jours Billot, qui lui conserve sa confiance, s’intéresse, bien que prudemment, à l’affaire, est indemne de toute responsabilité dans le passé et n’a pas encore capitulé.

Gonse avait trop brusquement attaqué Picquart le jour où il lui demanda ce que lui importait, après tout, le Juif de l’île du Diable. Boisdeffre prit des chemins obliques. Vers la deuxième quinzaine d’octobre, il invita Picquart à monter à cheval pour causer des affaires du bureau. Pendant la promenade, il amena la conversation sur Dreyfus et sur Esterhazy, dit que Picquart, dans ces circonstances, « avait agi avec peu de pondération » ; Picquart s’en défendit. Boisdeffre parla de la lettre à l’encre sympathique. Picquart, éclairé par Cavard, exposa que c’était un faux : « Soit, observa le général, mais, si ce n’est pas un faux, quelle preuve de la culpabilité de Dreyfus[1] ! »

Le général Niox a dit de Picquart que, « naïf et entêté comme beaucoup d’Alsaciens, il était impropre à diriger le service des Renseignements[2] ». Picquart était surtout véridique ; il répliqua que la culpabilité de Dreyfus ne lui était pas démontrée ; il attira l’attention du général sur la déclaration officielle que le gouvernement allemand avait faite en janvier 1895, protestant qu’il n’avait jamais eu aucune relation avec Dreyfus.

Peu de jours auparavant, Foucault avait raconté à Picquart son entretien avec Cuers, à la suite de l’entrevue de Bâle ; Cuers s’était plaint de la brutalité d’un « gros rouge qui le bouscula », et avait renouvelé ses

  1. Cass., I, 171, Picquart.
  2. Récit de Niox.