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HENRY


bouts de papier de la façon qu’il avait coutume de faire pour les fragments que lui apportait la ramasseuse[1]. Il obtint de la sorte deux lettres qui semblaient reconstituées par le rapprochement logique des fragments recueillis dans le panier de l’ambassade, l’une récente, l’autre ancienne. Celle-ci servirait de pièce de comparaison.

Par malheur, quand il plaça en haut et en bas de chacun de ces assemblages les en-tête et les signatures, il commit une erreur. La fausse lettre était écrite sur le papier carrelé en violet pâle ; Henry la compléta par les fragments authentiques sur papier carrelé en gris bleuté. Et réciproquement[2]. Dès lors, les rayures ne concordaient pas.

Il commit encore une autre erreur lorsque, toujours épris du mieux, il eut le tort de vouloir dater la pièce de comparaison. La première phrase de cette lettre : « Voici le manuel », avec l’indication du prix, avait pour but d’éveiller chez le lecteur l’idée que Panizzardi servait d’intermédiaire entre Schwarzkoppen et Dreyfus, selon la théorie de Boisdeffre. Le prix (180 francs) indiqué par Henry était à la fois excessif et médiocre, car le manuel valait bien vingt sous et la trahison du riche officier d’État-Major eût valu très cher.

  1. Revision, procès-verbal, 101, Cavaignac : « Les pièces parlent d’elles-mêmes. » — 102 : « Ainsi, voici ce qui est arrivé : Vous avez reçu en 1896 une enveloppe avec une lettre dedans, une lettre insignifiante ; vous avez supprimé la lettre et vous avez fabriqué l’autre. — Henry : Oui. » — « On colla ensuite sur une feuille, dit Esterhazy, tous ces bouts de papier soi-disant provenant de la corbeille de l’attaché étranger. « Esterhazy a précisé précédemment qu’Henry travailla sur deux lettres originales, celle qu’il trouva dans le dossier secret et celle qu’il reçut en 1896. Cela résulte k l’évidence de l’interrogatoire d’Henry.
  2. Revision, 98, 99. — Cass., I, 121, Roget ; 339, Cuignet.