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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


était très discrédité. Il avait été radié par le tribunal de la liste des experts[1], et, peu après la condamnation de Dreyfus, chassé, on ne sait pourquoi, du ministère de la Guerre[2]. S’il avait réussi à se faire réintégrer au Palais de Justice sous la pression d’influences parlementaires[3], il y était tenu à l’écart et, comme il avait été frappé sur la plainte d’un Juif[4], il était violemment antisémite. Vaniteux et bavard, il rappelait, avec complaisance, son rôle dans le procès de 1894 (à la remorque de Bertillon), se vantait d’avoir décidé de la condamnation[5] et montrait volontiers son dossier, qu’il avait frauduleusement conservé, le fac-similé du bordereau et son rapport[6]. Un rédacteur du Matin[7]

    le 19 juin 1897, le même récit à Scheurer-Kestner. En juillet, quelques jours plus tard, il raconta son roman à Trarieux comme si l’aventure était de la veille : « C’est de la main des Juifs qui veulent me compromettre. » (Procès Zola, I, 467 ; II, 37, Trarieux.)

  1. Procès Zola, I, 444, Teyssonnières ; 463, Trarieux.
  2. Ibid., I, 458, Teyssonnières : « Je fus reçu par le général Rau et dès que j’eus dit : « Je suis M. Teyssonnières, l’expert de l’affaire Dreyfus », le général Rau me menaça de me faire arrêter. » — Il raconte encore (I, 449) qu’un fonctionnaire du ministère de la Guerre avait dit de lui à Scheurer-Kestner : « Ne me parlez plus de cette canaille ; c’est un voleur. » Teyssonnières ajoute qu’ayant appris ce propos, « il fut étonné de cette opinion de l’État-Major ».
  3. Intervention de Trarieux, ministre de la Justice, et de Descubes, député. (Procès Zola, I, 444, Teyssonnières ; I, 463, II, 33, Trarieux).
  4. Affaire Halphen-Dauphin.
  5. Procès Zola, I, 466, Trarieux : « Si je n’avais été là, me dit M. Teyssonnières, il eût été absolument impossible de condamner. »
  6. Ibid., I, 447, 459, Teyssonnières.
  7. Henry Girard, qui rédigeait au Matin la politique étrangère. Picquart (Rennes, I, 453) le désigna comme l’auteur de l’article intitulé : la Preuve, fac-similé du bordereau, et l’intermédiaire entre Teyssonnières et le Matin. — J’ai demandé la confirmation de ce récit à Henry Girard, qui me l’a, très loya-