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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


tion dont chaque mot avait été pesé. Tout de suite, écouté dans un grand silence, il met la Chambre en garde : « La question est grave ; elle intéresse la justice du pays et la sécurité de l’État. » Puis, d’une phrase nette, formelle, sans faire allusion à l’article de Cassagnac, — mais toute la Chambre comprit qu’il lui répondait, — il affirme que Dreyfus a été bien jugé, régulièrement condamné : « L’instruction de l’affaire, les débats, le jugement ont eu lieu conformément aux règles de la procédure militaire. »

Et Billot insiste :

Le conseil de guerre, régulièrement composé, a régulièrement délibéré, et, en pleine connaissance de cause, a prononcé sa sentence à l’unanimité des voix. Le conseil de revision a rejeté, à l’unanimité des voix, le pourvoi du condamné. Il y a donc chose jugée, et il n’est permis à personne de revenir sur ce procès.

C’est bien l’avis de la Chambre. Il ne reste plus à Billot qu’à donner l’assurance que « toutes les précautions ont été prises pour empêcher une tentative d’évasion ». Mais « les motifs d’ordre supérieur, qui ont nécessité le huis clos de 1894, n’ont rien perdu de leur gravité » ; il fait donc appel « au patriotisme » de l’Assemblée pour qu’elle n’engage pas, tout au moins pour qu’elle abrège ce dangereux débat.

Il eût voulu qu’elle ne l’abordât pas, mal rassuré encore sur le compte de Castelin, craignant que les noms d’Esterhazy et de Weil fussent prononcés. De là cette déclaration insolite au seuil de l’interpellation[1].

  1. Le lendemain, Rochefort et Drumont reprochèrent violemment à Billot d’avoir osé demander à la Chambre, « avant que le débat ne commence, de ne pas l’engager ». Selon Drumont, « le président Brisson n’aurait pas dû permettre à Billot de