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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Picquart a toujours affirmé qu’il n’a connu Esterhazy que par le petit bleu[1], au printemps de 1896. Ouvrez maintenant le dossier ; vous y trouvez d’abord la découpure du journal, antidatée d’un an, mais qui songera à vérifier ? Donc, dès janvier 1896, Picquart guettait l’ami d’Henry dans la pensée de le substituer à Dreyfus ; il s’est trahi lui-même en recueillant cette nécrologie ; son mensonge est démontré. Et c’est un indice de plus que, sur l’adresse du petit bleu, c’est Picquart qui a gratté le nom du véritable destinataire et l’a frauduleusement remplacé par celui d’Esterhazy[2] !

Dans ce même mois de janvier, Henry envoya Lauth et Junck à Luxembourg pour s’y rencontrer avec Cuers. L’entrevue avait été préparée par Picquart[3]. Il eût été imprudent de la contremander. Mais Henry affecta de ne pas s’y rendre lui-même[4].

Les deux officiers rapportèrent[5] que Cuers avait cherché encore à les « apitoyer sur son sort » ; le major Dame lui a montré récemment une lettre menaçante de Lajoux ; cependant, il refuse toujours

    contre le commandant Esterhazy et remis par ledit colonel au général Gonse en octobre 1896. Signé : A. Gonse. » Cette date d’octobre, indiquée comme celle de la remise du dossier, est inexacte. On a vu que Picquart n’a remis le dossier d’Esterhazy à Gonse que la veille de son départ, le 15 novembre.

  1. Cass., I, 147 ; Rennes, I, 418, Picquart.
  2. Ce faux n’ayant pu être commis que postérieurement au 6 janvier 1897, il en résulte que le grattage du petit bleu par Henry est antérieur ; la fausse date, inscrite par Henry sur la découpure de l’Éclair, explique, en effet, le grattage ; elle en est le commentaire. C’est un argument de plus à ajouter à ceux que j’ai exposés plus haut.
  3. Cass., I, 419 ; Rennes, I, 626, Lauth.
  4. Cass., I, 419, Lauth : « Henry s’en souciait si peu… etc. »
  5. Rapport du 20 janvier 1897 (Dossier Tavernier). — L’entrevue eut lieu la veille. — Cass., I, 420, Lauth ; Rennes, I, 626, Lauth ; 648, Junck.