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LA COLLUSION


France, militaire et civile, prît fait et cause pour lui, se levât pour sa défense, cela était bouffon, impossible.

Il ne connaissait pas l’histoire. Les plus nobles passions (amour de la patrie, amour de l’armée ou de la liberté), combien de fois ont-elles été soulevées par des coquins, exploitées par des scélérats !

Esterhazy promit qu’il patienterait, mais, par précaution, se pourvut d’un viatique. Il fit venir Christian à la campagne et lui extorqua une nouvelle somme de 17.000 francs pour « l’affaire Rothschild[1] ».

A-t-il, vers cette époque, dans un accès de peur, passé une première fois la frontière ? Un aubergiste de Lugano croit l’avoir vu, pendant quelques jours[2]. Il ne serait revenu que sur des assurances formelles, écrites. En tous cas, il était le 18 octobre à Dommartin.

L’avant-veille, comme je l’ai raconté, Bertin avait télégraphié au ministre le résultat de sa conférence avec Scheurer. Henry, le jour même, fut informé et avisa aussitôt Esterhazy. Celui-ci reçut la redoutable communication dans la matinée du 18[3] ; un grand frisson le secoua. Aussitôt, il saute dans le premier train, confère avec Henry au débotté. Dans la soirée, chez la fille Pays, où il s’installe, il explique son retour par une querelle avec sa femme et paraît « très soucieux[4] ».

  1. « Reçu de M. le comte Esterhazy, demeurant à Beautiran-sur-Gironde, et à titre de dépôt, la somme de 17.000 francs, qu’il a versée au crédit de mon compte, 50233, au Crédit lyonnais, et dont le présent reçu lui assure la légitime et complète propriété. — Paris, le 1er  octobre 1897.
  2. Mémoires de Scheurer.
  3. Il fixe lui-même à cette date son départ pour Paris (Cass., I, 577) cela a été vérifié à Dommartin.
  4. Cass., I, 802, Pays.


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