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LA COLLUSION


surveiller son départ pour le Brésil, ne lui fit remettre qu’à bord du navire en partance le prix convenu du silence[1], et promit qu’une mensualité continuerait à lui être servie[2].

Gonse et Henry reclassèrent aussi le dossier secret du procès Dreyfus ; ils y ajoutèrent, notamment, les quelques fragments de lettres qui avaient été recueillis à l’ambassade d’Allemagne depuis 1894 et que Picquart et Boisdeffre lui-même avaient jugés sans importance, et la fausse lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen et une lettre authentique de l’attaché italien à son collègue allemand sur l’organisation des chemins de fer, du 28 mars 1895, mais qu’Henry avait datée d’avril 1894 pour l’appliquer à Dreyfus. Panizzardi écrivait à Schwarzkoppen qu’il allait recevoir des documents sur le service des chemins de fer français ; la lettre, le jour même où on l’avait interceptée, avait été copiée par Gribelin ; le bordereau, qui contenait cette copie, avait été établi le 1er  avril, signé par Sandherr et mis sous scellé ; un procès-verbal du tout avait été dressé. Impossible d’authentiquer plus formellement une date. Henry, tranquillement, avait brisé les scellés… etc. (Voir Cass., V, 51 et suivantes).

Enfin, Henry sortit de l’une de ses cachettes le dossier ultra-secret que Sandherr, disait-il, avait réuni en 1894, dont la Libre Parole, immédiatement informée, avait menacé les Juifs, et qui avait été caché à Picquart.

Ce dossier comprenait, maintenant, deux jeux de faux.

Le plus ancien se composait des prétendues photographies de huit lettres, sept de Dreyfus à l’Empereur allemand, la huitième de l’Empereur au comte de

  1. Cela est formellement reconnu par Gribelin : « Je me rendis à Anvers ; je négociai le passage de Lajoux. » Il déclare lui avoir remis 500 francs. (Rennes, I, 592, 598.) La somme fut beaucoup plus forte, ainsi qu’il résulte du dossier de Rennes (I, 332, Demange). Lajoux s’embarqua le 24 septembre 1897. — Dans une lettre du 10 mars 1898, adressée à Hanotaux, Billot déclare que « cette somme a été remise à Lajoux dans un but humanitaire et nullement pour éviter des révélations ». (Rennes, II, 12.) Alors pourquoi le voyage de Gribelin à Anvers ?
  2. Il n’est pas établi que cette mensualité ait été régulièrement servie à Lajoux. En tout cas, elle fut rétablie par Freycinet, ministre de la Guerre dans le cabinet Dupuy, au mois de mars 1899. Elle fut fixée à 200 francs sur la proposition du commandant Rollin, qui en dépose (Rennes, II, 11, 21). Un officier se déplaça pour porter à Lajoux, alors en Italie, une somme importante, à condition qu’il retournerait au Brésil. (Rennes, I, 332, Demange, d’après des pièces du dossier.)