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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


hazy ne tiendra pas le coup ; à peine désigné, il commettra quelque irréparable folie. »

Ce même jour, Henry, probablement en présence de Gonse, explique de nouveau à Du Paty combien les soupçons contre Esterhazy sont injustes, et quelles hautes considérations militent en sa faveur[1]. Leur devoir de soldats est d’aller à son secours.

Gonse s’étant retiré, Henry et Du Paty convinrent de donner rendez-vous à Esterhazy pour le lendemain[2]. Ils iront tous deux, bravement, avec Gribelin. Car Henry ne recule pas devant le danger. Pourtant, c’est Du Paty qui parlera à Esterhazy. En effet, « bien qu’Henry, depuis sa promotion au grade de capitaine, n’ait pas vu Esterhazy, celui-ci, très sûrement, le reconnaîtrait ; il saurait alors de qui lui vient l’avis[3] ». C’est ce qu’il faut éviter ; l’État-Major est une hermine qui mourrait d’une tache. Au contraire, Du Paty est inconnu d’Esterhazy et pourra, d’ailleurs, se déguiser.

Tout cela plut beaucoup à Du Paty.

Henry, alors, rédigea une lettre (toujours anonyme) pour inviter Esterhazy au rendez-vous, le samedi 28 octobre, à cinq heures, au parc Montsouris. Puis, ayant appelé Gribelin, il lui commanda de porter et de remettre lui-même, afin d’éviter toute indiscrétion, ce billet à Esterhazy.

Cette mission de planton n’agréait pas au personnage

  1. Cass., I, 448, 455 ; II, 200, Du Paty. — Gonse, en réponse, dit que Du Paty « s’est laissé emporter par son zèle », que « sa conduite ne peut être attribuée qu’à une véritable aberration ». (Cass., I, 566, 568.) Et Roget : « Je m’explique très mal l’intervention de M. Du Paty. » (Rennes, I, 324.)
  2. Cass., I, 448, Du Paty : « La première entrevue que j’ai eue avec Esterhazy a été organisée par Henry, au service des Renseignements ».
  3. Cass., I, 435 ; Rennes, I, 600, Gribelin.