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LA COLLUSION


Les patrons d’Esterhazy comptaient que Billot remettrait aussitôt cette lettre à Boisdeffre ; dès lors, le chef de l’État-Major général sera, lui aussi, régulièrement saisi de l’affaire ; on marchera[1].

Mais Billot, au rapport du lendemain, n’en dit rien à Boisdeffre, ce dont celui-ci s’inquiéta ; et, selon l’habituelle filière, Boisdeffre en informa Gonse, qui avertit Henry et Du Paty, qui, tous deux, avisèrent Esterhazy[2].

    de Du Paty, de son écriture naturelle : « Copiez votre lettre et sachez-la bien ; réclamez le manuscrit de la plaquette. » On ne voit pas la corrélation entre cette note, d’ailleurs authentique, et la lettre d’Esterhazy à Billot, Au surplus, la lettre à Billot est datée du 25 octobre, et la plaquette (voir p. 682) ne fut remise à Esterhazy, selon son propre récit, que plus tard. — Il dit en effet (Dép. à Londres) que Du Paty lui remit la plaquette dans les premiers jours de novembre, que la fille Pays la porta à l’imprimerie de la Croix (le 5 ou le 6, précise le Père Bailly), que le Père Bailly refusa de publier l’article et que Du Paty le réclama alors pour le remanier. — C’est là, déjà, une preuve péremptoire que la note où il est question de la plaquette à réclamer (5 ou 6 novembre) ne fait pas corps avec le brouillon de la lettre du 25 octobre, qui, dès lors, ne peut pas être de Du Paty. Mais, ici encore, Esterhazy a dû finalement se convaincre lui-même de mensonge. Relatant ces incidents devant la Cour de cassation : « Je vous dépose, dit-il, le texte qui m’a été donné et je vais vous déposer la note. » (I, 581.) Et, en conséquence, il déposa deux pièces (liasse n° 2, annexes au n° 74).

  1. Cass., I, 581, Esterhazy.
  2. Ibid. : « Au bureau de poste de la rue du Bac, Henry me prévint que le général de Boisdeffre n’avait pas encore reçu du général Billot communication de ma lettre. J’insiste sur ce fait que, si le colonel Henry était informé de ce retard, il n’avait pu l’être que par le général de Boisdeffre attendant donc l’effet de ma lettre et, par conséquent, en connaissant l’emploi. Henry me dit : « Le ministre va garder ça pendant cinq ou six jours avant de prendre une décision, selon son habitude… » — Du Paty écrivit, dans l’après-midi, à Esterhazy : « Votre lettre n’est pas encore arrivée au général de Boisdeffre ; il a été décidé que vous le saisiriez directement ; trouvez-vous ce soir, à onze heures, à l’endroit ordinaire, pour lettre à lui adresser. » (Dép. à Londres, Édit. de Bruxelles, 55.)