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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Précédemment, avec mille précautions de langage, Leblois avait fait quelques confidences au mathématicien Appell, à Zola, au romancier Marcel Prévost, à Coppée. Tous avaient été remués, surtout Zola. Son premier soupçon que Dreyfus était peut-être innocent, datait du soir de la dégradation. Il dînait chez Alphonse Daudet, dont le fils avait assisté à la parade ; le jeune écrivain en fit un récit sauvage. Zola s’éleva contre la férocité des foules ameutées contre un seul homme, fût-il cent fois coupable. Et celui-ci n’a pas cessé de crier son innocence ! Ce cri retentit dans son cerveau de poète. Il y ébaucha un roman, l’histoire d’un soldat innocent qui s’immole à la paix de son pays, pour ne pas déchaîner la guerre par ses révélations. Puis, il n’y pensa plus.

Quand Leblois montra à Zola sous le sceau du secret la correspondance de Gonse et de Picquart, il la trouva d’une clarté « excessive ». Il fut, dès lors, acquis à la revision.

Il fut invité, chez Scheurer, avec Leblois et Prévost. Du récit de l’entrevue, qui lui parut dramatique, de Scheurer avec Billot, il conclut que le dossier secret était vide de preuves. Mais l’indécision de Leblois, qui paralysait Scheurer, l’effraya. Il le dit à Coppée, qui répondit : « Je crois bien que Dreyfus est innocent, mais je n’en sais encore rien[1]. »

XXV

Le délai, où Billot devait faire son enquête loyale, allait expirer. Scheurer, dans une lettre publique à

  1. Je tiens ce récit de Zola.