Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Dès le lendemain[1] — le jour même où Picquart s’embarqua à Tunis, — le commissaire de police Aymard et Henry, en civil, assistés d’un serrurier et de trois inspecteurs de la Sûreté, se présentèrent, à sept heures du matin, à l’immeuble désigné par Esterhazy[2]. Le commissaire s’y introduisit avec sa bande, sous un prétexte que lui avait soufflé Henry[3]. Il allégua qu’il venait rechercher, au nom de l’administration des Contributions indirectes, s’il n’y avait pas dans la maison une fabrique d’allumettes de contrebande, ou, tout au moins, un dépôt de cette marchandise prohibée. Fabrique ou dépôt devant être dans les chambres du sixième, Henry et les policiers montèrent aussitôt et procédèrent à une perquisition sommaire, au nom de la Régie, chez un employé de la Banque de France, puis chez une modiste qui était encore au lit et chez deux autres femmes ; ces pauvres gens réclamèrent à peine, effrayés par l’écharpe du commissaire et la rudesse de son allure, et parce que, dans notre démocratie aux habitudes césariennes, le domicile privé n’est tenu pour sacré par personne, pas même par les victimes de ces attentats. Cette comédie jouée, on arriva à la mansarde fermée. Le commissaire fit alors chercher le gérant de la maison, exhiba un mandat de l’autorité militaire, et fit quérir un serrurier. On trouva, dans la mansarde, une cantine pleine de papiers ; Aymard y fouilla « avec une évidente satisfaction[4] » et la fit emporter, ainsi que plusieurs

  1. 23 novembre 1897. — Pellieux convient (Procès Zola, I, 335) qu’il ne consulta aucun magistrat avant de faire procéder à cette perquisition. Après, il en parla à Bertulus. Il signa son ordonnance le 22, le jour même où il reçut les lettres « urgentes et confidentielles » d’Esterhazy.
  2. Rue Yvon-Villarceau, n° 3.
  3. « Ce stratagème a été indiqué par le service des renseignements. » (Matin du 25 novembre 1897.)
  4. Matin du 25.