Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


la pièce était un faux, le prétendu agent un émissaire des protecteurs d’Esterhazy.

Je décidai de garder la lettre chiffrée pour en accabler, au bon moment, les faussaires.

Lemercier-Picard me l’ayant fait réclamer, je répondis par un refus ; je refusai également un rendez-vous qu’il me fit proposer, la nuit, dans une maison mystérieuse de la plaine Monceau.

Le plan des fourbes était ingénieux : ils imaginaient que, sans examen, j’aurais porté aussitôt la pièce « Otto » à Pellieux. La fausseté en eût été vite établie ; Esterhazy eût prouvé qu’il était à Rouen le jour où Lemercier-Picard l’avait suivi à Bruxelles ; Pellieux eût conclu que tous les autres documents versés à l’enquête étaient également des faux.

C’est ce dont convient Esterhazy : « Une fois en possession de la pièce, Scheurer et Reinach l’auraient triomphalement produite : et il aurait été aisé de les convaincre de supercherie[1]. »

Les agents d’Henry ne me virent pas prendre le chemin de l’hôtel de la place Vendôme où Pellieux siégeait[2]. Cependant, le général préparait son ordonnance de non-lieu.

    n° 100, désignée par Lemercier, avait été occupée, ce soir-là, par un voyageur qui venait de Paris par le train de minuit et demi, et qui donna le nom de M… de L…

  1. Matin du 28 mai 1899.
  2. D’autres tentatives du même genre furent faites auprès de Mathieu Dreyfus. Un agent, se disant le colonel Léon, essaya de lui faire accepter un dossier. Des inconnus offrirent à une femme à son service des papiers qu’elle refusa d’accepter. Il reçut, et je reçus également la visite d’un individu qui proposa de faire évader Dreyfus. On m’envoya la lettre, trouvée dans une gare, d’un complice d’Esterhazy.