Ainsi pourra-t-on empêcher toute révélation utile, fermer la bouche « à quiconque se sera procuré des documents ou renseignements dont le secret intéresse la sûreté de l’État ».
L’orateur affirma qu’il n’était l’ami ni de Dreyfus ni d’Esterhazy[1] ; il l’était de Drumont.
Scheurer resta impassible à son banc, mais avec un air de confiance qui frappa le Sénat ; Trarieux protesta : « Un poids lourd pèse sur la conscience publique ; la discussion d’un pareil projet doit être poursuivie dans le calme, en dehors de toute passion. » Morellet, rapporteur de la loi, et le garde des Sceaux Darlan appuyèrent Trarieux, qui eut gain de cause.
Après la séance, comme Freycinet l’interrogeait, Scheurer répliqua : « Soyez tranquille, je le tiens et je le tiens bien. »
II
Billot, en rentrant au ministère, fut vivement objurgué par Boisdeffre. Il avait promis son concours aux collaborateurs de Mercier ; à la première rencontre, il lâchait pied ; on exigea de lui un gage. À son habitude, il regimba, puis céda. Il avait, depuis deux jours, sans savoir qu’en faire, la lettre par laquelle Esterhazy restituait la photographie de la pièce secrète. Il consentit à lui en accuser officiellement réception, et, plus encore, à authentiquer, dans sa réponse, la fable de la dame voilée. Le chef de son cabinet, le général de
- ↑ Quelques jours auparavant, il avait raconté au Figaro toute la version de l’État-Major telle qu’elle parut, sous la signature Dixi, dans le journal de Drumont (Mémoires de Scheurer).