essayait de dépister les agents à ses trousses ; très tard, après minuit, il se colleta avec l’un d’eux, qu’un de ses compagnons mena au poste. Les autres agents perdirent sa trace[1] ; mais il était trois heures du matin ; il ajourna son départ.
Billot, le lendemain, se confessa à Boisdeffre ; Henry, évidemment, expliqua à Esterhazy que la fuite, loin de le sauver, le perdrait sans rémission, puisque, arrêté à la frontière, il ne quitterait plus la prison que pour le bagne.
XII
Les lettres à Mme de Boulancy, publiées par le Figaro. (la lettre « du Uhlan » en fac-similé, en regard du bordereau), causèrent, chez quelques milliers de Français et dans le reste du monde, une vive émotion. Quel drame extraordinaire, avançant à coups de théâtre, où l’imprévu devient la règle ! Le petit groupe des partisans de la Revision crut la bataille gagnée. Qui, jamais, a parlé de l’armée avec plus de haine, de la France avec plus de mépris ? Et ce mépris, cette haine, on les sent sincères. Le misérable ne joue pas les Coriolan. Il assisterait avec joie à une nouvelle invasion ; il la guiderait ; il brûlerait et massacrerait comme il le dit. C’est l’âme d’un traître — et c’est l’écriture du bordereau !
Ces prévisions furent très vite démenties. Vous auriez publié, il y a un mois, une seule de ces lettres : la cause eût été entendue aussitôt. À chacun des millions d’hommes qui l’aurait lue, dans le calme et la réflexion,
- ↑ Récit du Jour (28 novembre 1897), confirmé par le rapport de la police (dossier de la Cour de cassation).