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L’ENQUÊTE DE PELLIEUX

Entre la dépêche de Barthou, du 26 novembre, à la requête de Billot, et cette note du 28, que s’est-il passé ? Le jour même où éclatent les lettres à Mme de Boulancy, devant quels nouveaux chantages Billot a-t-il capitulé, une fois de plus ?

Henry, d’autres encore, portèrent à la presse le mot d’ordre : Si ces abominables lettres sont authentiques, Esterhazy est certainement un bandit, peut-être un traître ; « il n’est pas un crime dont il ne soit capable » ; « il ne saurait figurer une minute de plus dans l’armée » ; « on peut tout attribuer à l’homme qui aurait écrit ces lignes effrayantes » ; mais, d’abord, il faut savoir, il est juste de savoir si ce ne sont pas des faux[1].

De toutes parts, depuis de longs jours, chacun parlait de fausses pièces, de décalques, de procédés pour imiter les écritures. Certains de ces procédés sont à la portée du premier venu. Vous photographiez une page banale, quelconque, d’écriture ; sur l’épreuve vous découpez chaque lettre ; vous faites ainsi un alphabet ; avec les lettres de cet alphabet, les ajustant et les collant l’une à côté de l’autre, vous composez telle phrase qu’il vous plaît ; vous photographiez à nouveau ; et vous obtenez ainsi en fac-similé, dans l’écriture authentique de l’homme que vous voulez perdre, une page qu’il n’a jamais écrite[2].

Il manque, sur le fac-similé, la couleur de l’encre, les liaisons entre les lettres, le mouvement graphique. Et il n’y a pas de texte original. Mais qu’importe !

Esterhazy exposa lui-même ce procédé que les juifs (si riches, si forts) avaient su perfectionner. Déjà, le bor-

  1. Petit Journal, Soir, Autorité, Presse, Écho de Paris, etc.
  2. Le procédé avait été indiqué, la veille, 27 novembre, dans le journal la Science Française, par Émile Gautier.