Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


çaise ? Mais est-ce servir cette armée, est-ce la respecter, que de prétendre la solidariser avec une erreur possible ?

L’honneur de l’armée consiste-t-il à persévérer, coûte que coûte, dans une méprise funeste, ou à chercher, loyalement, à la réparer et à faire justice ?

La Justice, elle se fera ; tôt ou tard, la vérité finit par triompher ; mais il dépend des hommes de bonne volonté d’abréger les délais. Faire vite et faire bien, voilà la tâche qui reste au Gouvernement, après qu’il a refusé l’initiative à laquelle je le conviais. J’ai confiance qu’il n’y manquera pas.

Billot profita de l’embarras trop visible de Scheurer. D’abord il lui reprocha d’avoir « fait à lui seul la revision, jugeant comme expert en écritures », et, sans tenir compte « ni des témoignages, ni des autres circonstances de l’affaire, d’avoir conclu que le bordereau est la seule base de l’accusation et de la condamnation de Dreyfus ». — Le rapport de d’Ormescheville n’a pas été encore publié ; qui oserait taxer Billot de mensonge ? — Puis, à ce jugement « prompt » de Scheurer, il opposa le soin, la patience, avec lesquels, « pendant de longs mois », il avait procédé lui-même « à des recherches et à des comparaisons ». Il était arrivé, après ce laborieux examen d’une affaire très complexe, « à une conclusion contraire » et formelle. Pour le bordereau, il a été versé à l’enquête (bien que Pellieux eût dit à Scheurer qu’il ne l’avait pas demandé), et, de même, « toutes les pièces du dossier ». De la communication des pièces secrètes aux juges de 1894, il ne dit pas un mot.

Ayant rassuré ainsi la conscience du Sénat, il enleva les applaudissements en affirmant, de nouveau, « en son âme et conscience, comme soldat et comme chef de l’armée », que Dreyfus était coupable, et par un couplet